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LE BATACLAN ET L'ALEPH

Novembre 2015

UNE HISTOIRE D'AMOUR

Chers amis, cher public,

"Je peux admettre que la capacité humaine de destruction l’emporte sur la capacité de création et de transformation, comme la mort l’emporte toujours sur la vie, mais c’est la vie qui crée la vie, la conscience de la dignité de chaque être humain qui crée la liberté et l’égalité de tous." (Alain Touraine)

L’hymne du Théâtre Aleph, créé au siècle passé, en 1967, chantait: “Nous, ceux de l’Aleph, nous avons un navire de guerre, pour le jeter à la mer, et boire et boire jusqu’au fond de la mer."

“El Supertricio”, c’était le nom de notre navire, a navigué sur différents océans de la vie. Nous avons souffert et lutté, aimé et chanté. Dans sa distribution, le monde nous a donné le triomphe et la déroute, nous avons dégusté la saveur du pain et le goût du sang… Nous avons emprunté notre chemin avec toutes les forces que Dieu a pu nous donner.

Parmi nos nombreux voyages à bord du “Supertricio”, il y a celui qui nous a transportés vers une des fantaisies les plus merveilleuses vécue par le théâtre Aleph : Ce fut au Bataclan où le navire de nos rêves a mouillé l’ancre pour présenter "Le Kabaret de la dernière chance", une de nos pièces préférées qui y a connu un succès de plus de trois mois totalement inespéré à l’époque. C’est à ce moment et dans cet espace que notre théâtre entre définitivement dans l’histoire du théâtre français.

Et son équipage se souvient que c’est au Bataclan que l’Aleph passe de la misère à la pauvreté.

Le Bataclan était devenu notre seconde maison. En présence de Danielle Mitterrand nous y avons inauguré le premier festival du "théâtre des gens et des métiers" de France. C’est au Bataclan que l’Aleph a présenté "La maison accepte l’échec" et qu’il a joué la première de "Christophe Colomb Super Star", lors des célébrations du cinq centième anniversaire de la découverte de l’Amérique.

Le Bataclan nous a ouvert des routes dans ce merveilleux pays : "la France éternelle". Nous n’oublierons jamais ce lieu désormais profané par les ennemis de la vie.

C’est ici que le 13 novembre une fusillade a mis fin à la vie de plus de 80 personnes, parmi eux se trouvaient nos amis et compatriotes, Patricia San Martin et sa fille Elsa Verónica, avec qui nous avons partagé plus d’une fois une empanada arrosée d’un bon vin rouge chilien. Luis Felipe Zschoche Valle, leader du groupe "Capitán América" et sa femme Cécile Misse, deux jeunes débordant de vie sont aussi tombés sous les balles assassines.

"Les pas peuvent fouler mille ans le lieu de ce massacre, ils n’effaceront pas le sang de ceux qui y tombèrent". Un crime contre cette humanité simple comme nous tous qui ne voulons qu’une chose : partager la vie et la paix.

Nous n’avons jamais été sûrs de rien. C’est pour cela que notre consigne a toujours été qu’il faut aimer, pour redevenir chaque jour plus terre, écume sacrée, mouvance des vagues… Et nous devons chanter car c’est en chantant que se fonde la patrie, parce que si nous ne chantons pas, la terre meurt.

Pour fonder la patrie, nous avons clôturé notre hommage : “Tignous Hasta Siempre!” et c’est en chantant que nous jouerons la première de “Le Réfugié M“, pour que la terre ne meure pas.

"Seule la vie crée la vie" affirme Alain Touraine. C’est à cette source qui vient du plus profond de la terre que nous nous accrochons, pour donner un sens à notre existence.

Un abrazo.

Oscar Castro

Directeur du Théâtre Aleph