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bonne année feliz año nuevo

1er janvier 2021

dessin d'Alfredo Cifuentes

2021 sera une année où nous naviguerons dans des courants inconnus, mais nous vaincrons car il ne faut pas oublier que toute déroute est une étrange victoire. 

L’année que nous quittons nous a réservé de grandes surprises. Pour cette nouvelle année, l’Aleph ne veut pas revenir à la normalité si celle-ci ne vient pas avec "Dignité, Justice et Liberté"

Avec force nous construirons cette nouvelle histoire. Tels sont nos vœux. Et il ne faut pas oublier non plus que le théâtre Aleph possède un navire de guerre, le fameux "Supertricio".

Très belle année à tous.

El 2021 será un año en el que navegaremos en corrientes desconocidas, pero ganaremos porque no hay que olvidar que toda derrota es una extraña victori. El año que se va nos dejó grandes sorpresas. El Aleph no quiere este año volver a la misma normalidad si esta no llega con “Dignidad, Justicia y Libertad”

Fuerza para construir esta nueva historia. Son los deseos del Aleph. Tampoco tenemos que olvidar que el teatro Aleph tiene un buque de guerra el famoso “Supertricio”

Feliz año nuevo a todos

STAGES DE FORMATION PROFESSIONNELLE ET D'ENTRAINEMENT

OCTOBRE 2020 - JUIN 2021

La voix pour le travail de l'acteur

Il s'agit d’explorer la capacité vocale de l'acteur de manière individuelle et collective. Les ateliers que je propose permettent de prendre conscience de sa voix de manière perceptive et sensorielle.

En offrant différents espaces créatifs, cette méthodologie permet d'agrandir la gamme de possibilités, ainsi que la compréhension de son propre fonctionnement phoniatre et la façon de se l'approprier.
Cette méthode pédagogique se base sur un training physique associant la voix et le corps : première étape pour arriver au processus créatif où les participant(e)s apprennent à se débarrasser de leurs automatismes, de leurs habitudes de travail, et développer leurs propres particularités.

L’intervenante

LAURA FUENTES MATUS est comédienne chilienne, professeure et directrice d'acteurs. Spécialiste du travail de l'acteur issus des pratiques vocales du Roy Hart - Panthéâtre, elle est aussi diplômée de l'Université Paris 8 (Master Recherche Arts de la scène et du spectacle vivant) ou elle enseigne désormais le théâtre contemporain en espagnol.

Elle est  aussi directrice artistique de l'association Pemehue CAI (coopération artistique internationale). Elle transmet sa démarche dans le travail vocal depuis 2005, enseigne à Paris depuis 2014, et a aussi été invitée à présenter sa pédagogie au Mexique, au Chili, en Russie, en Grèce, et en Indonésie, assurant ainsi la préparation vocale de divers artistes venant du théâtre, des arts plastiques ou de la danse. Sa pédagogie singulière est née de toutes ses expériences.

Quand ?

24 et 25 octobre 2020
28 et 29 novembre 2020
12 et 13 décembre 2020
30 et 31 janvier 2021
27 et 28 février 2021
27 et 28 mars 2021
24 et 25 avril 2021
29 et 30 mai 2021
26 et 27 juin 2021

Horaires

Samedi 13h-17h
dimanche 10h-14h

Plus d'infos 

Newsletter : https://mailchi.mp/a617f67d9830/atelier-la-voix-pour-le-travail-de-lacteur-4019919

Facebook : https://www.facebook.com/lavoixetlejeudelacteur

Atelier de théâtre en espagnol / Taller de teatro de verano

DU 17 AOÛT 10 H 00 AU 30 AOÛT 17 H 00

Ouvert aux étudiants bilingues français-espagnol (de toutes universités). Places limitées !

 

La troupe de théâtre en espagnol de l'Université Paris 8 invite les étudiants à participer à un atelier de recherche et de création sur « les voix étudiantes dans les mouvements sociaux en France et au Mexique, en 1968 et aujourd'hui, nos propres manifestations et le confinement qui a suivi ». Sous la direction de Laura Fuentes Matus.

Résidence artistique au Théâtre Aleph à Ivry Sur Seine, 30 Rue Christophe Colomb 942000 Ivry Sur Seine, du 17 au 30 août de 10h-17h. http://www.theatrealeph.com

Inscriptions et plus d’infos : babel.rolande@hotmail.fr +33787817654

Récapitulatif du travail de création :

Laboratoire de création en résidence artistique d’été de la troupe de théâtre en espagnol de P8.

Il s’agit d’un croisement de multiples dramaturgies à partir d’extraits de l’œuvre Fragments d’une amulette brisée, de Ángel Hernández (Mexique), et d’Amulette de Roberto Bolaño (Chili). À travers eux, les mouvements sociaux de 1968 au Mexique et en France nous reviendraient comme des souvenirs ; un voyage entre le passé et le présent, ici et maintenant avec nos propres manifestations en tant qu’étudiants et notre enfermement pendant le confinement vécu récemment.

La notion de « jouer comme dans un rêve » travaillée par le metteur en scène russe Kostantin Bogomolov sera l’un des trois axes principaux de la direction d’acteur, avec les notions d’acteur créateur (biographie / document / documentaire / témoignage) et théâtre laboratoire. Laura interroge l’art du travail de l’acteur, l’image et la notion d’ici et maintenant.

Il s’agira d’une mise en scène et d’un jeu de miroirs entre la fiction, la réalité scénique, et celle de la compagnie de théâtre en espagnol de l’université qui vit son propre confinement (mise en suspens du processus créatif, adaptation au télétravail, le réel face à la présence virtuelle…). Le processus se conclura par une présentation à l’université et quelques interventions à définir. Le matériau qui surgira de cette création sera un axe autonome, qui sera sans aucun doute inclu dans la création professionnelle en marche, comme partie intégrante de notre recherche de « in situ ».

Travail en collaboration avec l’auteur mexicain Angel Hernández et la traductrice Marion Cousin.

Mise en scène et préparation vocale : Laura Fuentes Matus.

Préparation corporelle et assistante à la mise en scène : Sofía de Sanctis.

Avec : Rolande Baben, Maëlle Mas, Thomas David, Mariela Tala, Cristian Vergara

L'atelier se terminera par une présentation publique.

Une activité soutenue par le département d'espagnol de l'Université Paris 8, le FSDIE et l’association de théâtre étudiant TEP 8.

Un grand merci au Théâtre Aleph qui nous accueille.

 

À propos de :

Laura Fuentes Matus est comédienne chilienne, metteuse en scène, professeure et directrice d’acteurs, elle est spécialiste des pratiques vocales du Roy Hart-Panthéâtre, est diplômée du Master Recherche Arts de la scène et du spectacle vivant Université Paris 8 et directrice artistique de l'association Pemehue CAI (coopération artistique internationale). Elle dirige l’atelier professionnel « La voix pour le travail de l’acteur », et a aussi été invitée au Mexique, au Chili, en Russie, en Grèce, et en Indonésie.

Ces dernières années, elle s’est consacrée à la création et à la diffusion de sa pièce "Je ne suis pas tout à fait moi-même". Tandis qu’au Chili, en tant qu’actrice, elle a travaillé entre autres avec les réalisateurs Raoul Ruiz, Ricardo Larrain, Nicolas Acuña et Arnaldo Valsecchi. Elle met aussi en scène "Fragments d’une amulette brisée". 

https://www.facebook.com/lavoixetlejeudelacteur

Sofía Flavia De Sanctis :

Est actrice, diplômée de l'Université des Arts Dramatiques (UNA) de Buenos Aires. Elle s'est formée avec Guillermo Angelelli, Elías Cohen, le Teatro de los Andes et Alejandro Tomás Rodriguez. Elle a travaillé avec les compagnies de théâtre Abismo et Casa Talcahuano. Elle a joué dans différentes pièces. Elle fait actuellement partie de la compagnie de théâtre Atlántica et a commencé un Master en recherche création à l'Université Paris 8.

L'Atelier pratique de Théâtre contemporain en espagnol est né en 2019 à l’Université Paris 8 dans le département de l’Action Culturelle et Artistique.

Nous travaillons la formation d’acteur en même temps que la pratique de la langue espagnole, en scène, face au public, avec la mise en place de projets d'échanges et de collaborations artistiques. C'est ainsi que nous avons travaillé la première année sur la pièce "Aproximación al interior de una ballena" de l’auteur mexicain Angel Hernández, en colaboration avec l’acteur Manuel Delgado. Tous deux ont été invités à venir en France assister à la dernière étape de travail. Nous accueillerons cette année 2020/2021 l'auteur chilien Guillermo Calderón, scénariste et metteur en scène de théâtre contemporain, qui interviendra à la fin du processus. L’atelier reprendra en septembre.

Notre troupe réunit des étudiants de différentes universités et écoles de beaux arts, ayant à coeur l’échange culturel.

 

Michel PICCOLI

19 mai 2020

L'humaniste

J’ai travaillé il y a quelques années avec Michel Piccoli sur le film de Pierre Richard, "La cavale des fous". Ce fut un moment très spécial pour moi.

Ma sœur Marieta était sortie avant moi des camps de concentration. Arrivée à Paris, elle a remué ciel et terre en formant un groupe de soutien pour obtenir ma libération. Elle a obtenu de cent intellectuels et artistes français qu’ils signent une lettre réclamant ma libération. En tête des signataires se trouvait Aragon et dans la liste on trouvait les signatures de Michel Piccoli et de Pierre Richard.  Aucun d’entre eux ne me connaissait, ils signaient par pure solidarité avec les artistes de notre pays.

Au milieu du tournage de "La cavale des fous", lors d’une pause déjeuner, nous étions tous les trois assis à table. Je leur racontai l’histoire de la lettre de soutien et Michel qui était un humaniste me dit avec surprise : "Je ne pensais pas que signer ce type de lettre pouvait aboutir à quoi que ce soit". Et Pierre ajouta avec son humour légendaire : "Si j’avais su, je ne l’aurais pas signée".

Je me souviendrai toujours de ce moment magique qui démontre encore que chaque goutte peut faire déborder le vase.

Merci Michel pour ta goutte qui, avec celle de chacun des humanistes comme toi, nourrit la fontaine de demain.

ÓSCAR CASTRO

Hace uno años trabajé con Michel Piccoli en un film de Pierre Richard “La fuga de los locos” Fue un momento muy especial para mí.

Mi hermana Marieta salió antes que yo del campo de concentración y llego a París donde formo un grupo de apoyo por mi liberación y logro que cien intelectuales franceses de los más importantes firmaran una carta pidiendo mi liberación. La carta la encabezaba el gran poeta francés “Aragon” y por orden alfabético salían los nombres de estos dos actores Michel Piccoli y Pierre Richard los dos y no solo los dos, todos los que figuraban como firmantes, no me conocían y lo hacían por solidaridad con nuestro país.

En el medio de la filmación de “La fuga de los locos” llego la pausa para almorzar y nos fuimos los tres juntos y nos sentamos en una mesa. En un momento les conté la historia de la carta. Piccoli, que era un humanista, dijo sorprendido:

“No pensé que firmar una carta de ese tipo, sirviera para algo” y Pierre Richard agrego “Si yo hubiera sabido, ¡no la firmo!”

Siempre recordare ese momento mágico que me demuestra que cualquier gota puede rebalsar un vaso.

Gracias, amigo Michel por tu gota que junto con las de otros humanistas como tú, están construyendo la fuente del mañana.    

 ÓSCAR CASTRO

 

 

LUIS SEPULVEDA

16 Avril 2020

Un fauteuil pour Luis Sepúlveda

Depuis aujourd’hui il y a un fauteuil vide dans le théâtre de mon cœur. C’est le fauteuil de Lucho Sepúlveda, un fauteuil qui a toujours été disponible pour le recevoir avec les honneurs, à toutes les représentations et partout où la vie pouvait nous réunir.

Mon amitié avec Luis Sepúlveda est intimement profonde et remonte au temps où Lucho n’était pas encore Luis Sepúlveda. Je faisais mes premiers pas sur les planches, alors qu’il était jeune élève à l’Institut National. Il est devenu un habitué de notre théâtre qui venait de voir le jour dans une vieille bicoque de Lastarria 90.

Un jeune qui, comme tout bon lycéen de l’éducation publique, n’avait pas un sou pour acheter son ticket d’entrée mais qui, enthousiasmé par notre style insolent et libertaire, profitait de l’absence de contrôle et du bref tour d’horizon que l’on faisait sur le public, sans préoccupation de la recette, et avec pour seul intérêt, notre amour immense du théâtre.

Jusqu’à ce qu’un jour, l’Aleph décida, comme mesure de bonne administration, de mettre fin à l’anarchie et ordonna aux jeunes chargés de la billetterie de ne laisser entrer personne sans billet, comme tout bon théâtre qui se respecte. Ce jour-là, bien sûr, Lucho se présenta accompagné d’une jeune fille sur laquelle il avait porté son dévolu et qu’il voulait impressionner en l’invitant à un spectacle de l’Aleph et en partageant la fin de soirée avec les acteurs. Un préliminaire magistral aux jeux de l’amour.

Il fut la première victime de notre nouvelle mesure. ʺNon Monsieur, la maison ne fait plus créditʺ. La jeune fille ouvrit son sac et trouva juste ce qu’il fallait pour payer une entrée. L’Aleph,  restant malgré tout généreux, fit une exception et accepta de vendre deux tickets pour le prix d’un.

Cette honte que Lucho Sepúlveda porta toute sa vie et qu’il me resservit à chaque fois qu’on prenait une cuite ensemble, marqua une amitié qui nous lia pour toujours, joignant nos destins et nous rendant complices d’une histoire qui nous unissait depuis nos origines.

Nous sommes tous deux nés en province, lui à Ovalle et moi à Colín, première station de la voie ferrée reliant Talca à Constitución. Arrivés à Santiago, nous avons étudié à l’Institut National, tous deux avec notre sang Mapuche, moi pour mes ancêtres Picunche, et lui par le nom de sa mère, Calfucura. Lui, racontant la vie dans ses romans et moi, la représentant sur scène. Moi, faisant du théâtre dans les quartiers populaires et lui, accompagnant le Président Allende dans sa croisade pour le Chili. Et dans l’exil, toujours deux indiens traversant l’océan, pour conquérir l’Europe d’un revers de la main avec la plume et avec le théâtre : nos armes invincibles pour la paix.

Puis nous fûmes deux oiseaux migrateurs, errant de par le monde, et nous nous sommes souvent retrouvés. Pas autant qu’on le souhaitait, mais nous n’avons jamais perdu l’opportunité de nous parler à distance, et encore moins de faire la bringue et de profiter de la vie quand elle nous donnait la possibilité de nous retrouver… Que ce soit dans sa maison de Gijon en Asturies ou chez moi à Vitry, mais aussi à chaque fois que notre mission de conteurs d’histoires nous réunissait.

Nous avons eu aussi la chance de travailler ensemble et de vivre des moments inoubliables. Quand Lucho, passant par Paris, joua dans ʺLe Kabaret de la Dernière Chanceʺ, interprétant un personnage que j’ai créé pour l’occasion… Quand j’ai joué en Argentine dans son film "Nowhere" et que nous bavardions des nuits entières sous les étoiles du ciel de Salta.

Nous avons vécu ensemble l’aventure de la vie et, comme tout le monde le sait, Lucho fut toujours un aventurier, un globe-trotteur audacieux et persévérant, courageux et loquace. Alors, quand il écrivait ʺLe vieux qui lisait des romans d’amourʺ ou ʺHistoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à volerʺ et tous ces contes et récits qui peuplent sa narration, il n’a fait que sublimer les histoires qui ont croisé son chemin, et qui ne lui ont pas laissé d’autre choix que de les publier pour conquérir les cimes de la littérature universelle.

Oui, nous étions amis. Alors, quand j’ai appris le 29 février qu’il était malade, devenant ainsi un des premiers créateurs victimes de la pandémie, j’ai ressenti qu’on m’internait moi-même à l’Hôpital Universitaire Central des Asturies et qu’on me plongeait dans le coma sous respiration artificielle, luttant pour la vie. Et aujourd’hui, quand j’ai appris son départ, j’ai senti au fond de moi-même que le souffle de la vie s’échappait dans un voyage sans retour.

Aujourd’hui, j’ai le cœur brisé et le fauteuil vide. Mais il sera toujours réservé pour le jour où le Lucho de ma jeunesse et le Luis Sepúlveda de toujours s’échappera de l’immortalité pour venir faire un petit tour au Théâtre Aleph, où une entrée non payante lui est garantie, par ordre du commandant de bord.

ÓSCAR CASTRO

16 avril 2020

Personne ne parlera mieux de notre fraternité que mon ami Lucho

Un jour, alors que nous répétions une scène du film que nous faisions ensemble - parce qu’Oscar, alias Le Cuervo ne s’unit pas, ne se réunit pas, mais fusionne, selon le dicton chilien, et il partage ainsi tout ce qu’il sait avec une incomparable générosité -, je lui ai raconté une vieille rancœur qui faisait partie de ma géographie sentimentale : un jour, il y a de cela de nombreuses mais très nombreuses années, je n’ai pas pu entrer à l’Aleph à Santiago, parce que je n’avais pas assez d’argent pour payer le ticket. Ce qui suit pourrait être un conte, mais ça n’en n’est pas un.

Je m’explique : La lune était énorme sur le désert de Cafayate, à la frontière entre l’Argentine et la Bolivie, et Oscar Castro tournait une scène nocturne de Nowhere avec l’acteur argentin Ariel Casas. Ils jouèrent de façon stupéfiante et une prise suffit pour que la cameraman dise "C’est bon, excellents tous les deux", et je n’eus plus qu’à acquiescer.
Alors, Oscar et Ariel se démaquillèrent, retirèrent leur costume, et à la sortie de la roulotte sous un ciel aux mille étoiles, Oscar m’embrassa. Nous partîmes voir le troupeau de guanacos qui jouaient aussi dans le film et qui, va savoir pourquoi, n’acceptaient que les ordres d’Oscar et crachaient au visage de leur gardien à chaque fois que ce dernier tentait de reprendre sa place de chef de troupeau.
En regardant les étoiles et les guanacos, Oscar me dit : “Mon frère, je veux que tu saches que, depuis hier, ou avant-hier, tu as entrée libre dans toutes les salles où l’Aleph se présentera.”. Vous savez ce que ressent le réalisateur d’un film quand un acteur a donné plus que ce qu’on lui demandait, quand il a donné tant d’humanité et de richesse au personnage que l’auteur s’étonne lui-même de ce qu’il a écrit ?
Deux années plus tard j’allais à la remise de diplôme de mon fils.
Sa thèse consistait en un court-métrage intitulé Un ami de mon père, et c’était Oscar, le Cuervo, avec son inépuisable capacité d’être ce que le scénario exige, avec son talent pour donner la vie à ce qui naît dans l’incertitude.
Le directeur de l’école de cinéma de Munich, Wim Wenders, vint me voir à la fin de la projection pour me dire : “Ce type, ton ami, c’est un monstre, quel acteur !”.
Et naturellement, je lui ai répondu : “Il faut savoir où trouver ses amis”.

Tu ne sais pas combien tu vas me manquer

Le Cuervo martyrisé

Una butaca para Luis Sepúlveda

Desde hoy hay una butaca vacía en el teatro de mi corazón. Es la butaca de Lucho Sepúlveda, que desde siempre ha estado disponible para recibirlo con honores en cualquier función y en cualquier lugar donde nos junte la vida.

Mi amistad con Luis Sepúlveda es entrañable y se remonta a los tiempos en que Lucho todavía no era Luis Sepúlveda. Yo daba mis primeros pasos en las tablas, cuando un joven alumno del Instituto Nacional se convirtió en un visitante obligado de las funciones que nuestro recién formado Teatro Aleph realizaba todos los días en la vieja casona de Lastarria 90 que lo vio nacer. Un joven que como buen estudiante de la educación pública no tenía plata para comprar su entrada y que, entusiasmado con nuestra forma de teatro irreverente y libertario como él, aprovechaba el nulo control y la vista gorda que hacíamos, despreocupados del billete y enfocados en el inmenso amor al teatro.
Hasta que un día, como una medida de buena administración que no pasó de ser un fugaz saludo a la bandera, en el Aleph decidimos que había que poner fin a la chacota e instruimos a los chicos de la boletería que no iba a entrar nadie que no pagara su entrada, como en cualquier teatro decente que se hiciera respetar. Ese día por supuesto que llegó Lucho y más encima venía acompañado de una chica en la que había puesto todos sus empeños y a la cual quería impresionar invitándola a una obra del Aleph y a compartir con los actores después de la función. Una movida magistral en el juego del amor.

Fue la primera víctima de la nueva ley. No señor, la casa no da crédito. La chica abrió su cartera y juntando peso tras peso le alcanzó para una sola entrada. El Aleph se puso caritativo y haciendo una excepción aceptó el dos por una.

Ese bochorno que Lucho Sepúlveda se encargó toda la vida de echarme en cara cada vez que nos íbamos de copas, marcó una amistad que nos uniría para siempre, juntando nuestros destinos y haciéndonos cómplices de una historia que nos hermanó desde nuestros orígenes.

Los dos nacimos en provincia, él en Ovalle y yo en Colín, primera estación del ramal de Talca a Constitución, llegamos a Santiago y estudiamos en el Instituto Nacional; los dos con sangre mapuche, yo por mis ancestros picunches y él por el apellido Calfucura de su madre; él narrando la vida a través de sus novelas y yo representándola sobre el escenario; yo, haciendo teatro en las poblaciones y él acompañando al Presidente Allende en su cruzada por Chile; y los dos en el exilio, dos indios que atravesamos el océano para, en una vuelta de mano, conquistar Europa con la pluma y con el teatro, nuestras armas invencibles de la paz.

Para ser dos indios pájaros errantes migrando por el mundo, nos vimos harto. No tanto como quisiera, pero no perdimos oportunidad para hablarnos a distancia y menos para irnos de juerga y calentar la vida cuando ella nos dio la maravillosa posibilidad de reencontrarnos tantas veces, en su casa de Gijon en las Asturias, en la mía de París y en cualquier lugar donde nos juntó el oficio de contar historias.

Tuvimos también la suerte de trabajar juntos y vivir experiencias inolvidables, como cuando el Lucho, de paso por Paris, actuó en ʺLe Kabaret de la Dernière Chanceʺ, haciendo un personaje que escribí especialmente para la ocasión; o cuándo en Argentina actué en su película "Nowhere", conversando noches inolvidables y estrelladas bajo el cielo de Salta.

Vivimos juntos la aventura de la vida y, como todos saben, Lucho fue siempre un aventurero y trotamundos audaz y persistente, valiente y lenguaraz. Por eso cuando escribió ʺEl viejo que leía novelas de amorʺ, La "historia de una gaviota y del gato y que le enseñó a volar " y la zaga de cuentos y narraciones  que pueblan su narrativa, no hizo más que sublimar sus propias historias que la vida le puso en el camino y que no le dejaron más opción que publicarlas para conquistar las difíciles cumbres de la literatura universal.

Sí, fuimos muy amigos. Por eso, cuando el 29 de febrero recibí  la noticia del contagio, transformándose en uno de los primeros creadores víctimas de la pandemia, sentí como si fuera a mí mismo a quien internaban en el Hospital Universitario Central de Asturias y me mantenían en coma inducido luchando por la vida. Y hoy, cuando supe de su partida, fui yo mismo el que sentí como se escapaba el soplo de la vida en un viaje sin retorno.

Hoy tengo el corazón roto y la butaca vacía. Pero estará siempre reservada para cualquier día en que al Lucho de mi juventud y al Luis Sepúlveda de siempre le dé por escaparse de la inmortalidad y venir a darse una vuelta por el Teatro Aleph, donde por derecho propio, no paga.

ÓSCAR CASTRO

16 de abril de 2020

Nadie hablara mejor de nuestra hermandad que mi amigo Lucho

Un día, mientras ensayábamos una de las escenas de una película que hicimos juntos –porque Oscar alias el Cuervo no se une, no se funde sino que se “arrejunta” conforme al decir chileno, y desde esa posición comparte con incomparable generosidad todo lo que sabe–, le conté una lejana bronca que era parte de mi geografía sentimental: una vez, hace muchos, pero muchos años, no pude entrar al Aleph en Santiago porque no me alcanzaba para pagar la entrada y, lo que sigue, podría ser un cuento pero no lo es. Me explico: Había una luna llena enorme en el desierto de Cafayate, en la frontera entre Argentina y Bolivia, y Óscar Castro rodaba una escena nocturna de Nowhere junto al actor argentino Ariel Casas. Los dos lo hicieron estupendamente, bastó una sola toma para que la camarógrafa exclamara “vale”, “grandes los dos” y a mí me correspondiera decir que la escena quedaba en la película. Entonces, Óscar y Ariel pasaron a quitarse el maquillaje, a dejar el vestuario, y a la salida de la  roulotte [casa rodante] y bajo un cielo que mostraba millones de estrellas, Óscar me abrazó y nos fuimos a mirar un rebaño de guanacos que también participaban en la película y que, vaya uno a saber por qué diablos, solo aceptaban órdenes de Óscar y al domador lo escupían con entusiasmo cada vez que intentaba recuperar su papel de mandamás del rebaño. Mirando las estrellas y los guanacos, Óscar me dijo: “Hermano, quiero que sepas que desde ayer, o desde antes de ayer, tienes entrada libre en todas las salas donde se presente el Aleph”. ¿Saben lo que siente el director de una película cuando un actor ha hecho más de lo que uno quería, cuando le ha dado tal humanidad y riqueza a un personaje que uno mismo se asombra de lo que ha escrito? Dos años más tarde fui a la graduación de mi hijo. Como trabajo de tesis presentó un cortometraje titulado Un amigo de mi padre, y ahí estaba Óscar, el Cuervo, con su inagotable capacidad de ser lo que un guion exige, con su talento para dar vida a lo que nace como una incierta posibilidad. El director de la escuela de cine de Munich, Wim Wenders, al final de la proyección se me acercó y me dijo: “Ese tipo, tu amigo, es un monstruo; qué pedazo de actor”. Y yo, naturalmente, contesté: “Uno sabe dónde buscar a sus amigos”.

Luis Sepúlveda

No sabes cuanto me vas a faltar.

El cuervo martirizado,

 

 

 

 

 

 

 

 

 

THEATRE ALEPH AU FESTIVAL SANTIAGO A MIL

enero 2020

Nuestra Sala Julieta se complace en participar una vez más en el prestigioso "Festival Santiago a Mil", en su versión 2020. Para ello, nuestra compañía Teatro Aleph presenta 2 icónicas obras del extenso repertorio de Oscar Castro: "EL REY" y "EL 11 DE SEPTIEMBRE DE SALVADOR ALLENDE"

EL REY

FUNCIONES: 3, 4 y 5 de enero / HORARIO: 19.00 Hrs / VALORES: $3.000 General

Dramaturgia: Oscar Castro
Adaptación y Dirección: Gabriela Olguín
Elenco: Gabriela Olguín, Athenea Lagos y Camila Molina
Técnica: Nahuel Vásquez
Reservas: +569 90692056 y al mail cuervoaleph@gmail.com

Reseña

-“Erase una vez un rey” es la obra de teatro chilena más representada en América Latina y en el mundo. Fue estrenada en Chile en 1972 y de ahí no ha dejado de estar presente en diferentes escenarios por espacio de 47 años. Cuenta es la historia de tres vagabundos que viven en una escombrera, bajo un puente de Paris. Cansados de esa vida, deciden un día inventar un juego: Para poder gozar las delicias del poder, y como no tienen dinero para pagarse un empleado, un mozo, se ponen de acuerdo y deciden que durante una semana uno de ellos es rey y gobierna con todos los poderes, y el otro es su doméstico, su vasallo. Y después, la semana siguiente, cambiarán los roles …

EL 11 DE SEPTIEMBRE DE SALVADOR ALLENDE

FUNCIONES: 10, 11, 12, 17, 18 Y 19 de enero / HORARIO: 19.00 Hrs / VALORES: $3.000 General

Dramaturgia y Dirección: Oscar Castro
Elenco: Oscar Castro, Gabriela Olguín, Atenea Lagos, Jose Zambelli, Daniel Zambelli, Sergio Bravo, Alfredo Cifuentes, Camila Molina, Nahuel Vasquez, Ruben Casanova, Valentina MoraleS
Coreografía: Sylvie Miqueu
Músico: Ignacio Hernandez
Reservas: +569 90692056 y al mail cuervoaleph@gmail.com

Reseña

Un dramaturgo queda encerrado en un teatro después de que todo el mundo ha partido. Solo, en medio de accesorios de distintas obras, se encuentra con personajes del pasado, que deambulan siempre en su memoria en busca de resurrecciones, nuevas vidas hechas de momentos de comedia y tragedia. Entonces vuelven a la superficie los acontecimientos de un 11 de septiembre ya lejano y la figura emblemática de Salvador Allende, quien llevó con él los sueños de todo un pueblo en búsqueda de justicia y libertad. Estrenada en 1996 por el Teatro Aleph en París, esta obra —escrita por el fundador de la compañía, Oscar Castro, y dirigida por el fallecido director de origen egipcio Adel Hakim— se remonta en el país de la mano de Teatro Aleph Chile, con elenco nacional.

 

FESTIVAL EN TEATRO ALEPH CHILE

4 al 20 de octubre

Festival « Mito o Realidad »

El 10 de Octubre, en la Embajada de Francia en Chile, se realizará el lanzamiento del libro de los 50 años del Teatro Aleph « 50 años de Mito o Realidad ». En este libro la pluma de Sergio Bravo va contando y narrando, a traves de fotografias, la gran trayectoria de este grupo, como tambien la trayectoria de Oscar « Cuervo » Castro.
Para esta magna ocasión el elenco de Chile y el elenco de Francia se unen para dar vida a la ultima obra de Oscar Castro estrenada en Paris, como tambien, su trabajo galardonado recientemente en Francia « Teatro de gente y oficios » y su obra con mas montajes en toda Latino america « El Rey ».
Originando el Festival « Mito o Realidad » del 4 al 19 de Octubre
Todos Invitados !!!!

 

COURS DE PERCUSSIONS

Lundis de 19h à 20h

Avec l'association Abakuya - Saison 2019/2020 - infos 06 04 11 69 12

DISCOURS DE JEAN-CLAUDE LEFORT

17 janvier 2019

Lors de la remise de la légion d'honneur à Oscar Castro à l'ambassade de France au Chili

Monsieur l’Ambassadeur, Madame la Ministre,

Mesdames et  Messieurs les élus et les représentants des Corps constitués,

Mesdames et Messieurs,

Chers amis chiliens et français,

Chère Sylvie, Cher Oscar,

Je tiens, avant toute chose, au tout début de cette cérémonie qui nous réunit ce soir, à remercier très chaleureusement l’Ambassadeur de France au Chili, son Excellence Roland Dubertrand. Sans la moindre hésitation, en effet, il a accepté de nous recevoir en ce lieu pour procéder à cette décoration officielle de notre cher Oscar Castro. Ces remerciements sincères s’adressent aussi à toutes ses collaboratrices et tous ses collaborateurs qui ont si bien œuvré pour cette soirée. Merci à vous toutes et tous, du fond du cœur.

C’est une cérémonie très particulière qui nous réunit en ce jour, et cela pour plusieurs raisons.

La première tient à l’esprit et l’univers interne très particuliers de l’homme que nous honorons ce soir. Je dois préciser. Nous pensons tous, ici, qu’Oscar Castro est bien présent avec nous en ce moment. Mais est-ce certain ? Est-on sûr qu’il n’est pas en ce moment même sur un quai de métro parisien à la recherche de son cher Rigoberto – le nom secret de son Dieu – ou bien s’il n’est pas avec son ami Adel Hakim dans ce bar sulfureux dénommé « L’œil de verre » ? Est-on bien sûr, vraiment sûr, que c’est bien Oscar Castro qui est bien présent, là, à côté de moi et non point sa doublure, José Miranda ? Si vous pouvez trancher ce point, vous autres qui êtes présents, eh bien, vous avez bien de la chance car moi je doute. Et malgré cette épaisse incertitude qui m’habite, je dois pourtant prononcer un discours pour lui ! C’est un véritable supplice mental qu’il me fait subir une nouvelle fois.

D’autant que dans tout autre cas que le sien nous pourrions avoir un moyen sûr et certain pour savoir qui est là exactement.

En effet, dans ces circonstances aussi solennelles, nous devrions pouvoir déceler quelques gouttes de sueur perler sur son front. L’émotion devrait se lire au travers ces quelques gouttes, au moins quelques gouttes. Eh bien, il n’en est rien aujourd’hui avec l’homme présent à mes côtés. Vous pouvez tous le constater comme moi. Rien. Pas une petite goutte. Et il n’en est ainsi pour une raison bien étrange : Oscar est Indien et les Indiens ne suent pas !

Si bien que je ne sais toujours pas si c’est bien Oscar Castro qui ne sue pas qui est là ou bien si c’est l’un de ses personnages qui joue son rôle, sans ressentir, du fait qu’il ne soit pas directement concerné, la moindre émotion. Ce qui expliquerait cette absence de la moindre trace de sueur.

Et comme si tout cela ne suffisait pas, il est encore une chose plus troublante.

Figurez-vous que dans son livre au titre tellement limpide… pour lui, un livre qui s’appelle « Après l’oubli, le souvenir » – limpide, n’est-ce pas ! – il se trouve qu’Oscar Castro a déjà écrit et décrit cette cérémonie. Oui, oui, vous entendez bien ! Certes dans son livre cela se passe à Paris. Mais il a déjà une parade : ce livre il l’a écrit en 2011. Cela fait 7 ans. Il a donc une excuse. On pourrait donc lui accorder quelques circonstances atténuantes. Sauf… sauf que dans ce livre le discours de remerciements qu’il doit prononcer ce soir est déjà écrit en intégral ou presque ! Le sien, oui ! Mais pas le mien !

Il est des moments d’étrange solitude, je dois le confesser chers amis, et je vous remercie d’avance pour votre indulgence !

Il ne reste donc qu’une chose à faire : nous résigner à considérer que celui qui est là, et que nous honorons ce soir, est bien Oscar Castro en personne. Si ce n’est pas lui de toute façon ces paroles lui seront rapportées par son Diable à lui qu’il a nommé Nicanor dans la dernière pièce de sa trilogie – « La démocratie de la peur » – la pièce de théâtre qu’il donne en représentation actuellement au Chili. Son Nicanor est partout, surtout là où on l’attend le moins.

J’espère, Monsieur l’Ambassadeur, que toutes les vérifications d’usage ont été bien effectuées à l’entrée car on ne sait jamais avec ce genre de personnes qui sont en réalité des personnages, des professionnels absolus du « mentir-vrai ».

Donc, au vu des circonstances si étranges qui nous enveloppent ce soir, et pour me prémunir au mieux des aléas possibles, je ferai comme Oscar Castro quand il débute sa pièce de théâtre, en vous épargnant toutefois la danse spéciale qui va avec son rituel : j’implore donc tous les Dieux qui veillent sur le Chili pour que tout se passe bien ce soir ! Du moins le moins mal possible !

On pensera peut être que je délire un peu en ce moment, que je suis dans la fantasmagorie ? Eh bien non ! Pas du tout !

Je ne délire pas. Je suis juste et tout simplement en plein ALEPH, du nom de son théâtre qui dit tout d’Oscar Castro et de son œuvre.

Ce nom – Aleph – est tiré du roman de José Luis Borges qui porte précisément ce même nom étrange

ALEPH c’est quoi ? On sait que ce nom est non seulement la première lettre de l’alphabet hébreu mais c’est aussi une figure mathématique et pour Borges c’est un point imaginaire – enfin, normalement il est imaginaire ! – qui réunit en un même endroit et en un même lieu tout le passé, tout le présent et tout le futur.

C’est cela le théâtre d’Oscar Castro et de ses amis qui se résume et se décrit de la sorte avec ce seul nom étrange : ALEPH.

Ce théâtre a une longue existence puisqu’il est né ici, au Chili, tandis que notre ami Oscar, alors jeune étudiant, faisait des études de journalisme. Il fonda ce théâtre en 1968. Il revit aujourd’hui au Chili et c’est une belle revanche sur un passé terrible.

D’emblée Oscar et ses amis situaient ce théâtre dans une lignée très marquée : le Che et son « Soyons réalistes, exigeons l’impossible ! » ; les Beatles avec leur « Come togheter » ; le « Peace and love » qui dit tout en trois mots ; les événements de mai 1968 en France et leur « Sous les pavés, la plage ». Et puis aussi, quelques maudits temps après, ce cri mondialement repris « El pueblo unido jamas sera vencido ». Bref, son théâtre est né sous des auspices qui sont tout sauf neutres. Il s’agissait alors pour ces jeunes chiliens d’ouvrir une nouvelle page du théâtre chilien – un théâtre chilien qui n'était pourtant que récemment créé.

Un vrai challenge mais un challenge légitime car si on n’est pas audacieux quand on est jeune, quand donc le sera-t-on ? Bien que de ce point de vue – il faut qu’il se singularise à tout prix – Oscar défie toutes les lois humaines car jeune il est resté et, pour notre bonheur, il le restera toujours ! Et d’emblée ce théâtre connut une belle renommée en Amérique latine. Il donnait vie à un théâtre-fiesta, subversif, corrosif, plein d’humour et de dérision.

Il reste que, en pareille compagnie avec laquelle il est né, ce genre de théâtre peut plaire mais aussi déplaire. Chacun est libre d’apprécier. Une chose est sûre c’est que cela déplut non pas au public – je l’ai dit – mais à la « pinocheria » qui venait en 1973 de se « putscher » au pouvoir au Chili. Une nuit noire s’abattait alors sur ce beau pays si joliment représenté par Pablo Neruda. Pablo, notre ami, qui devait d’ailleurs nous quitter quelques jours après ce 11 septembre, un 11 septembre dont on ne parle pratiquement plus.

Le régime d’alors saisit les moyens de travail et de représentation de notre cher Oscar et de ses jeunes copains. Oscar continua pourtant et il donna des représentations d’une pièce sans équivoque quant à son contenu : « Al principio existia la vida ».

Ce fut trop – beaucoup trop – pour les putschistes. Ils l’arrêtèrent, direction un des stades devenus camps de concentration.

Pour lui ce fut le camp de Punchuncavi puis celui de Ritoque, tout ceci après être passé par le centre d’interrogatoire terrible dénommé Grimaldi. Tout cela se passait près de Santiago.

C’étaient des temps épouvantables où, comme le chantait Léo Ferré, « On avait mis les morts à table/ On prenait les loups pour des chiens ».

Effroyable époque où l’on coupait à la hache les doigts d’un guitariste ; où de l’Espagne du golpe de 1936 resurgissait comme des effluves du passé l’écho de slogans nauséabonds tels que « Vive la mort » ou bien « A bas l’intelligence ». Des temps où le régime chilien jetait en plein océan des personnes vivantes depuis des hélicoptères, des personnes disparues à jamais.

0360. C’est le numéro qu’on donna à Oscar Castro dans le camp. 0360. Une façon pour les factieux de réduire les êtres humains à un simple chiffre, à leur retirer toute humanité, à les broyer, à les animaliser. 0360.

Oscar trouva en lui les moyens de ne pas tomber dans ce plan morbide et à déjouer ces noires volontés. Il organisa, dans ces camps de concentration, des pièces de théâtre. Le théâtre : son étoile la nuit, son soleil le jour. Des pièces et d’autres moments festifs furent montés tous les vendredis et ils connurent aussitôt un beau succès parmi les prisonniers. Ces moments hebdomadaires attiraient même les geôliers alors que ces pièces et représentations dénonçaient, de manière certes oblique mais nette, la terrible situation d’alors et son responsable principal : Pinochet ! Chacun dans le camp redoublait d’imagination pour la réussite de ces moments peu ordinaires organisés par Oscar, El Cuervo qui s’improvise Maire dans ce camp.

Il s’explique dans son livre sur le sens de ces activités peu ordinaires. Je le cite : « Les prisonniers avaient une consigne qui consistait à ne pas permettre aux militaires de voir notre tristesse. Parce que c’était la seule chose qu’ils attendaient en nous infligeant des humiliations, leur travail psychologique pour nous casser. »

C’est ainsi qu’il survécut à cet enfermement et à cet avilissement : grâce au théâtre. Une autre façon pour lui de dire « Résistance » et de rester humain.

Mais après son arrestation et les camps de concentration, ce fut l’expulsion du Chili et le bannissement de son pays. Il arriva en France, une simple valise à la main. En 1976.

La France se montra ouverte et fidèle à ses valeurs. Elle devait accueillir plus de 15.000 Chiliens chassés de leur mère-patrie. La France devenait pour eux la patrie adoptive.

Tout cela, même si je ne m’y étends pas trop, met en évidence un second aspect très particulier qui plane sur la cérémonie de ce soir. On en conviendra aisément. Cette Légion d’honneur est remise à un survivant et à un témoin direct de cette époque qu’on ne peut pas oublier et qu’on ne voudrait jamais plus voir ou revoir nulle part sur cette planète. Jamais plus.

La France... Paris… Oscar y vient non pas en raison d’un choix véritable hormis la destination mais suite à une décision d’une extrême brutalité. Expulsion… Et bannissement de son pays. La douleur est terrible, immense. On ne sait plus. On ne sait rien. Toute une vie bascule. On espère un retour rapide. Et puis il faut s’y faire et finir par s’en convaincre : cela durera des années… et on ouvre sa valise.

Oscar fut accueilli en France par une très grande dame du théâtre français : Ariane Mnouchkine.

Après avoir continué d’écrire et de jouer des pièces en espagnol – façon pour lui de croire sans doute en un séjour temporaire – il prit la décision de transmettre en français. C’était nécessaire pour lui. Et pour son travail de création. C’était en 1977.

Il écrivait, avec ses amis, une première pièce qu’il transforma assez vite traitant de la situation de l’exilé, une pièce jouée par une troupe de comédiens eux-mêmes exilés. Etant à l’étranger pour deux mois, Ariane Mnouchkine lui prêta son théâtre, « La Cartoucherie de Vincennes ». La pièce d’Oscar, « L’exilé Mateluna », connu un succès immédiat et elle fut présentée dans plusieurs villes de France ainsi qu’à l’étranger.

Gabriel Garcia Marques en personne assista à une représentation et il déclara que c’était « la plus belle pièce sur l’exil » qu’il avait vu.

La graine chilienne prenait racine sur le sol français pour le féconder.

Mais elle développa son tronc, ses ramures et ses fleurs dans un endroit très désertique d’une ville très populaire où Oscar se sentait plus à l’aise qu’à Paris. A Ivry-sur-Seine, dans la région parisienne dans les années 80. C’est là où nous nous sommes connus et jamais quittés depuis.

L’endroit était très spécial car même des poulets couraient pendant le spectacle en picorant des miettes de pain sur le sol en passant entre les jambes des spectateurs. Danièle Mitterrand, alors première Dame de France, vint dans ce lieu étrange qu’il fallut vite mettre aux normes découlant de pareille visite officielle.

Ce lieu fut un lieu d’inspiration considérable pour Oscar. Il multiplia les créations. Et les représentations. La liste est particulièrement longue des pièces qui sortirent de son imaginaire.

Et ces créations, pour lesquelles dès 1982 il reçoit le prix Charles Dullin, attiraient des personnalités françaises très connues du monde du spectacle. Ce fut le cas de Pierre Barouh avec qui il créa toute une série de pièces et de musiques. Sait-on que la dernière chanson enregistrée par Yves Montand est sortie tout droit d’une création d’Oscar Castro et de Pierre Barouh ?

Il s’agit du « Kabaret de la dernière chance », titre de la pièce mais aussi d’une chanson, dont le grand Yves Montand pourra dire que ce fut l’une des plus belles qu’il enregistra. Et là encore, le succès était au rendez-vous et s’organisa une tournée internationale, Jusqu’au Japon où la pièce fut traduite en langue nippone.

C’est aussi l’immense photographe Pierre Doisneau – le fameux photographe du « baiser de l’hôtel de ville » – qui est séduit par ce théâtre au point d’en devenir le Président de 1988 jusqu’à sa mort. Merci Monsieur Doisneau.

La France officielle reconnut Oscar Castro et toute son œuvre jusqu’à l’honorer une première fois. Jack Lang, alors ministre de la culture, lui décerna une belle et significative décoration, celle de « Chevalier des arts et des lettres ». C’était en 1991.

Mais il était temps de changer de lieu – qui lui avait été prêté à titre provisoire – tout en restant dans cette ville d’Ivry si riche de ses habitants. Non sans quelques difficultés, vraiment absurdes, il s’installa dans une vraie salle où il se trouve désormais, depuis 1995, en même temps que lui fut accordée la nationalité française cette même année. C’était une ancienne usine de cartons située rue Christophe Colomb à Ivry. Un nom de rue particulier qui sonne comme une vraie provocation !  

Dans ce lieu moins aléatoire que le précédent, la création théâtrale d’Oscar Castro se multiplia. Au moins une pièce par an. Des représentations suivies de repas chiliens avec vins chiliens et souvent de la musique. Une ambiance très latino-américaine très prisée par le public.

Et d’autres artistes connus jetèrent l’ancre dans ce théâtre, payés comme les autres, c’est-à-dire très peu. Ce fut le cas de Pierre Richard – Le grand blond à la chaussure noire – qui fit escale pendant trois ans. Et une autre tournée internationale s’organisa les conduisant jusqu’en Sibérie.

Et ce n’est pas tout : en même temps Oscar Castro développa un théâtre très original avec des gens sans la moindre expérience artistique. Un théâtre social se mit en place avec des exclus, des jeunes, des gens de divers métiers. Une école ouverte aux jeunes est également disponible. Le théâtre ayant cette vocation de délier et libérer des personnalités enfermées sur elles-mêmes.

Le travail créatif d’Oscar Castro est considérable. Deux lignes le traversent : la fidélité à ses engagements initiaux – changer le monde ou en tout cas le rendre plus humain – et toujours ce style entre mille autres reconnaissables : un théâtre fait de provocation et de poésie, de chorégraphie et de musique. Un théâtre qui dit les souffrances mais aussi l’espoir.

Tout ce travail et ces résultats sont dus à Oscar bien évidemment. Et il est aujourd’hui reconnu par la France comme un « grand » créateur avec cette distinction la plus élevée de notre pays qui lui est décernée, la Légion d’honneur.

Mais cette œuvre n’aurait pu être réalisée sans deux autres éléments essentiels pour Oscar Castro.

Sa femme, Sylvie, avec qui l’harmonie est telle que le contrat que je leur avais demandé de signer, il y a bien des années et dans un lieu au nom devenu tristement célèbre, le Bataclan, ce contrat a été réalisé. Je leur avais demandé, devant une foule nombreuse, de s’engager dans une aventure exceptionnelle : celle de l’amour, avec tout ce que cela induit et suppose. On peut dire que cette aventure a été féconde et réussie au point qu’on ne peut pas détacher Sylvie de cette décoration d’aujourd’hui.

Et puis il y a une profonde meurtrissure : celle de ces temps effroyables que connut le Chili. Car la mère d’Oscar fut parmi celles et ceux qui furent jetés vivants dans l’océan. A jamais disparue. Mais comment l’imaginer puisqu’à l’époque nul ne savait les raisons pour lesquelles elle n’était pas rentrée à la maison. Son mari l’attendra sans bouger, espérant son retour jusqu’à l’ultime instant de sa vie.

Que la couleur qui accompagne cette décoration soit celle des roses que nous envoyons vers ta mère, Cher Oscar, aujourd’hui et en ces moments, ici à Santiago. Je sais tout ce que cela représente pour toi. Et ton choix d’être décoré ici ne doit rien au hasard. C’est aussi ta mère Julieta et ton père, mon cher Oscar, que nous mêlons et associons totalement à cette haute distinction qui t’est attribuée par la République française.

Mais je suis bien long et on s’impatiente dans la salle !

Il me faut donc prononcer maintenant les paroles officielles sans lesquelles cette cérémonie serait nulle et non avenue et te remettre, cher Oscar, cette Légion d’honneur qui t’a été décernée par l’ancienne ministre de la culture, Madame Nyssen, sur sollicitation d’Anne Hidalgo, maire de Paris. Alors voici :

 

« Oscar Castro

Au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Chevalier de la Légion d’honneur »

 

discours d'Oscar Castro recevant la légion d'honneur

17 janvier 2019

Ambassade de France au Chili

Allo Santiago, ici Paris. Ce n’est pas un appel téléphonique. C’est le titre du manuel de français que nous utilisions à l’Institut National et que je lisais frénétiquement les veilles de contrôles pour passer en rase-motte au-dessus de l’obstacle posé par Monsieur Osvaldo Arenas, notre cher “Chancho” [Cochon] Arenas, sans savoir que cette phrase “Allo Santiago ici Paris” allait devenir une obsession récurrente durant plus de 40 ans de ma vie.

Le “Chancho” Arenas était un professeur affable, un de ceux qu’on devrait garder chez soi pour ne pas oublier le pays de l’enfance qui nous manque tant. Si affable qu’il était capable de te donner rendez-vous chez lui à six heures du matin pour réviser une dernière fois et réussir le contrôle de français. Si affable qu’un jour il a arrêté son cours pour nous faire une révélation saisissante: "Les enfants, je sais que vous m’affublez d’un surnom". Nous nous regardâmes les uns les autres, entre l’angoisse et le fou rire, fou rire qui se déclencha lorsque le “Chancho” Arenas dit: "Je sais que vous m’appelez "el gordito" [le petit gros]. Un des élèves lança: "Et comment l’avez-vous su Monsieur, Comment ?"

Le Chancho Arenas, ma maison de l’Avenue Inglaterra, le parfum des oranges, les rires des amis… font partie de ces choses qui restent pour toujours au plus profond de l’être.

Ma vie a toujours vogué entre partir et revenir. Je suis parti et je suis revenu tant de fois que je ne sais plus où se trouvent le point de départ et le point de retour. Mais ce dont je suis persuadé c’est qu’avec tous ces allers-retours j’appartiens aux deux patries et ces deux patries m’appartiennent corps et âme, jusqu’aux os.

La première fois que j’ai quitté Colin - que j’ai appelée dans la fiction de mes œuvres de théâtre Maquegua, un village voisin avec un nom théâtral, alors que le Colin de mon enfance était connu avec ce nom peu glamour, comme le village des ânes - j’ai fait mes adieux à ma mère et, au milieu de cette nébuleuse d’allers et retours, c’est le seul événement qui reste inaltérable dans ma mémoire.

La saveur du lait maternel, celle du premier baiser et de la première déception, le premier enfant et la première fois sur les planches, sont trop importants pour les oublier bien que ta patrie t’ait renié trois fois, qu’elle t’ait expulsé et qu’elle ait apposé un L infamant sur ton passeport, un L qui me remplit aujourd’hui de fierté pour tout ce qu’il signifie. Cette lettre L qui m’interdisait à vie de retourner dans l’unique patrie que je connaissais, l’endroit où je suis né, où j’ai rêvé et où j’ai perdu maman à jamais.

Tout ça ne s’oublie pas bien que ta patrie adoptive ait pansé tes plaies, qu’elle ait ouvert ses portes, qu’elle t’ait contraint à ouvrir tes valises et qu’elle t’ait donné des ailes pour voler chaque fois plus haut.

On oublie encore moins quand ta mère, celle qui t’a donné la vie, détenue il y a presque 50 ans, reste à jamais disparue.

Pour tout cela, je vais et je viens, je pars et je reste, je parle deux langues et aucune, je suis d’ici et de là-bas.

C’est un voyage constant, un aller qui ne finit jamais et un éternel retour dans le sens des aiguilles d’une montre comme dans le sens inverse.

Ce ne fut pas un voyage facile et je préfère vous épargner les détails. Mais pour passer chaque épreuve, pour accéder à chaque réussite et pour persister dans chacun de mes rêves, j’ai un talisman infaillible, un secret qui coule dans mes veines, un cheval pour toutes mes batailles : l’enthousiasme.

Vous savez ce que signifie enthousiasme ? Ça vient du grec “entusiasmos” qui signifie détenir tous les dieux de l’univers à l’intérieur du corps. Pas mal ? Hein ? Et jusqu’à ce jour je ne savais pas que j’avais tous les dieux de l’univers en moi. Mais mon ignorance ne m’a pas mal réussi.

Par enthousiasme j’ai été capable d’aborder le recteur de l’Université Catholique, Don Fernando Castillo qui nous a octroyé la salle de Lastarria 90 alors qu’on n’avait pas encore 20 ans.

Par enthousiasme nous avons fait du théâtre sans savoir en faire et nous avons gagné les prix de la critique avec nos premières pièces de théâtre.

Par enthousiasme nous avons contraint Pepe Duvauchelle à diriger notre première pièce, nous avons fait d’Hector Noguera notre mentor et notre ami, nous avons appris de notre maître Eugenio Dittborn et nous avons fait la fête avec Grotowski une nuit à Cordoba.

Par enthousiasme je fus capable, non seulement de supporter la prison mais aussi de rêver et faire rêver des milliers de camarades détenus dans les camps de concentration.

Par enthousiasme je suis arrivé sans rien à Paris où j’ai reformé mon groupe, j’ai fait du théâtre en espagnol où personne ne me comprenait et j’ai fini par construire mon propre théâtre.

Par enthousiasme j’ai travaillé avec Marcel Marceau, avec Ariane Mnouchkine, avec Peter Brook, avec Pierre Barouh, Pierre Richard, Adel Hakim, Claude Lelouch, Mikis Theodorakis, Danielle Mitterrand, Gabriel Garcia Marquez, et tant d’autres maîtres qui m’ont offert leur talent et leur amitié.

Par pur enthousiasme j’ai fait du théâtre n’importe où, n’importe quand, n’importe comment, avec n’importe quoi et n’importe qui. Et c’est ainsi que l’Aleph ne distingue pas le théâtre professionnel du théâtre amateur, entre les acteurs confirmés et les débutants, parce que tous sont partie d’un seul et même spectacle.

Par enthousiasme nous faisons du Théâtre populaire et par enthousiasme nous inventons le Théâtre des Gens et des métiers (TGM) où des personnes qui n’ont jamais fait de théâtre se transforment, après quelques jours intenses et remplis d’enthousiasme, en protagonistes de l’œuvre de leur vie.

Et c’est grâce à l’enthousiasme que j’ai reçu des distinctions et des reconnaissances surprenantes et inespérées. Tout ça pour un travail que j’exerce depuis très jeune pour une raison peut-être trop simple : je ne sais pas faire autre chose, raison pour laquelle il ne s’est pas passé un jour de ma vie sans que je ne fasse du théâtre. C’est ma passion, ma compagnie, ma famille et mon refuge. C’est ma manière d’être dans ce monde et croyez-moi, il n’y a pas plus ahurissant que d’être décoré pour faire ce qui te plaît le plus dans ta vie.

Grâce au théâtre j’ai reçu une distinction qui m’accompagnera jusqu’au jour de ma mort: Étant prisonnier dans le camp de concentration, je fus nommé par mes camarades Maire de la République Indépendante de Ritoque, proclamé comme unique territoire libre du Chili parce que le reste des chiliens étaient otages de la dictature. Avec un frac en lambeaux, un haut-de-forme sans fond et une écharpe présidentielle tricolore délavée sur le torse, j’étais le dépositaire des peines, des joies et des espérances des prisonniers et nous résistions ainsi avec les armes de la culture contre la volonté de nous détruire l’âme.

Je fus, après Luis Corvalán, un des derniers prisonniers à quitter le camp de concentration pour recevoir l’accueil humanitaire de la France, cette France que le “Chancho” Arenas nous avait enracinée dans le cœur. Je me souviens encore de l’accolade de bienvenue que Roland Husson m’a donnée dans le camp de concentration, m’annonçant la nouvelle que la France me recevait et que je sortais sous la protection du gouvernement, Roland Husson, ce formidable et vaillant attaché culturel de l’ambassade de France qui a sauvé des vies et libéré des prisonniers et que nous n’oublierons jamais.

Je suis alors parti, sans autre bagage que les morceaux du pays qui me restaient et une valise remplie d’enthousiasme. Oui, le même enthousiasme qui m’avait amené à créer le théâtre Aleph sans avoir jamais foulé une scène, le même qui m’a poussé à emmener le théâtre dans les lieux où le peuple vivait, le même qui m’a permis d’être heureux derrière les barbelés des camps.

Quand je suis arrivé à Paris, les comédiens du théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine m’attendaient et ils m’ont prêté un petit appartement sous les toits d’où je voyais la tour Eiffel. J’ai voulu prendre une photo de la tour mais on ne la voyait pas en entier car la fenêtre était trop petite. Alors, j’ai pris la tête, puis le milieu et les pieds et j’ai pu coller les trois photos et je me suis dit, voilà le secret de l’exil : savoir recoller les morceaux.

Puis la France s’est chargée de tout me donner. Quand j’écrivais pour rassembler les morceaux, ce qui te reste dans l’exil, on m’a nommé, ce qui était inimaginable, membre du PEN Club de Paris. Imaginez un peu, le troisième chilien après Pablo Neruda et Vicente Huidobro et le premier indien Picunche à entrer dans l’Olympe des lettres françaises.

Ensuite, encore moins probable, on m’a nommé Chevalier des Arts et des Lettres de la République française, une distinction pour les grands de la culture française et moi, le petit indien, avec mon petit théâtre à Ivry sur Seine, la commune communiste qui m’a reçu avec ma famille quand nous sommes arrivés sans rien du Chili.

Une des distinctions qui me plaît le plus c’est celle que m’a octroyée la ville de Corbarieu, qui organise depuis plus de quinze ans au mois de juillet le festival Mediodia de Aleph, dont je suis président d’honneur, qui réunit théâtre, musique et peinture latino-américaine. Ce festival comprend également des activités sportives dont le point culminant est le championnat de pétanque, jeu national français, qui porte le nom de "Challenge Oscar Castro". Imaginez ce que cela représente pour moi qui n’ai jamais su jouer à la pétanque !

Enfin, dans le parc de ce village, les organisateurs du festival ont planté un araucaria venu du Chili qui porte le nom de Julieta, en souvenir de maman.

Je me souviens d’un jeu quand j’étais enfant qui consistait à dire ce qu’on aimerait être si on renaissait. Un disait : moi j’aimerais être un lion ; un autre disait : moi j’aimerais être un cheval… Je ne savais pas que ma mère voulait être araucaria. Et maintenant je suis heureux car je la vois chaque année lorsque je vais là-bas.

Quand on a reçu autant on devrait être blasé. Mais croyez-moi, ce 14 juillet, jour de la fête nationale en France, nous étions en Grèce au pied du mont Pélion, la montagne où les dieux venaient se reposer, et j’ai reçu une nouvelle si incroyable que je n’ai rien trouvé de mieux que de rentrer tout habillé pour m’enfoncer dans la mer Egée, comme "Alfonsina y el mar", cette merveilleuse chanson qui me rappelle toujours maman.

Au journal officiel français, le Président de la République m’avait nommé Chevalier de la Légion d’honneur, la plus grande distinction de l’état français qui m’a été octroyée pour cinquante ans de service comme dramaturge, metteur en scène, acteur et directeur d’un théâtre. En tant que citoyen français j’aurais dû recevoir la décoration en France, des mains d’un Chevalier renommé. Mais je voulais, avec cette distinction, unir mes deux chemins, de départ et de retour. Je voulais que ce cadeau de la France soit aussi un cadeau pour le Chili. Et une fois de plus ma mère adoptive, ma France éternelle a fermé les yeux et a dit Oui.

Contre tout protocole, et grâce à son excellence l’ambassadeur de France au Chili, on m’a permis de recevoir la Légion d’honneur à 11.000 kilomètres de distance, ces kilomètres que le député Jean Claude Lefort a dû également parcourir pour être avec nous ce soir pour me remettre la décoration. Aujourd’hui se trouvent ici la patrie où je suis né et que je n’ai jamais pu quitter et la patrie qui m’a reçu et que je n’abandonnerai jamais.

Maintenant tout est prêt, disposé, comme il faut, mais attention, cette décoration ne marque pas la fin de cinquante ans de vie artistique, c’est le commencement des prochains cinquante ans que j’accomplirai en France comme au Chili avec Gabriela Olguin, directrice du théâtre Aleph Chili et avec une quantité fabuleuse de personnes qui avec enthousiasme a su remonter le théâtre Aleph au Chili, à la Cisterna… Tout cela avec que de l’enthousiasme, que de l’enthousiasme…

 

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